Vous cherchez Jésus de Nazareth, le crucifié; Il est ressuscité Marc 16,6

La parabole des talents

Méditation de l’évangile du dimanche 19 novembre

Les talents nous sont offerts. Nous avons l’Espérance du Royaume entre les mains. Mais seuls, ceux qui choisissent le Seigneur pour Roi, sans annexer pour eux-mêmes le pouvoir, seuls ceux qui ne capitalisent pas leurs talents, en les serrant dans le mouchoir de leur vie terrestre, entreront dans le Royaume des Cieux.

Évangile de Jésus-Christ selon saint Mt 25, 14-30

En ce temps-là,
Jésus disait à ses disciples cette parabole :
« Un homme qui partait en voyage
appela ses serviteurs et leur confia ses biens.
À l’un il remit une somme de cinq talents,
à un autre deux talents,
au troisième un seul talent,
à chacun selon ses capacités.
Puis il partit.

Aussitôt, celui qui avait reçu les cinq talents
s’en alla pour les faire valoir
et en gagna cinq autres.
De même, celui qui avait reçu deux talents
en gagna deux autres.
Mais celui qui n’en avait reçu qu’un
alla creuser la terre et cacha l’argent de son maître.

Longtemps après, le maître de ces serviteurs revint
et il leur demanda des comptes.
Celui qui avait reçu cinq talents
s’approcha, présenta cinq autres talents
et dit :
“Seigneur,
tu m’as confié cinq talents ;
voilà, j’en ai gagné cinq autres.”
Son maître lui déclara :
“Très bien, serviteur bon et fidèle,
tu as été fidèle pour peu de choses,
je t’en confierai beaucoup ;
entre dans la joie de ton seigneur.”
Celui qui avait reçu deux talents s’approcha aussi
et dit :
“Seigneur,
tu m’as confié deux talents ;
voilà, j’en ai gagné deux autres.”
Son maître lui déclara :
“Très bien, serviteur bon et fidèle,
tu as été fidèle pour peu de choses,
je t’en confierai beaucoup ;
entre dans la joie de ton seigneur.”

Celui qui avait reçu un seul talent s’approcha aussi
et dit :
“Seigneur,
je savais que tu es un homme dur :
tu moissonnes là où tu n’as pas semé,
tu ramasses là où tu n’as pas répandu le grain.
J’ai eu peur, et je suis allé cacher ton talent dans la terre.
Le voici. Tu as ce qui t’appartient.”
Son maître lui répliqua :
“Serviteur mauvais et paresseux,
tu savais que je moissonne là où je n’ai pas semé,
que je ramasse le grain là où je ne l’ai pas répandu.
Alors, il fallait placer mon argent à la banque ;
et, à mon retour, je l’aurais retrouvé avec les intérêts.
Enlevez-lui donc son talent
et donnez-le à celui qui en a dix.
Car à celui qui a, on donnera encore,
et il sera dans l’abondance ;
mais celui qui n’a rien
se verra enlever même ce qu’il a.
Quant à ce serviteur bon à rien,
jetez-le dans les ténèbres extérieures ;
là, il y aura des pleurs et des grincements de dents !” »

Méditation de l’évangile du dimanche 19 novembre

Comme Jésus monte à nouveau vers Jérusalem (vers sa Passion, pour Lui, vers la Royauté, pensent beaucoup), la foule trépigne car elle croit pressentir le Règne de Dieu tout proche. Jésus leur raconte alors la parabole des mines et des talents pour détromper leur espérance terrestre, y soulignant cette opposition qui bientôt Le conduira à la croix :

“Nous ne voulons pas que cet homme règne sur nous.” Ce sera le cri des princes des prêtres à Pilate : “Nous n’avons pas d’autre roi que César !”

Voilà donc ce que Jésus met dans la bouche de ses concitoyens, car c’est Lui, évidemment, le Roi qui part pour un pays lointain, le pays de son Père, et toute la parabole n’est que la prédiction de sa Passion, de sa mort, de sa Résurrection et de son lointain retour glorieux. Car Il reviendra. Mais va s’installer d’abord, après son départ, après sa mort, une longue période d’attente.

Non, le retour du Seigneur n’est pas pour demain et n’a rien à voir avec une royauté terrestre, immédiate, qui donnerait l’autonomie à Israël.

Le Royaume de Dieu est parmi nous bien sûr, mais tout autre. Il débute par une période de lutte, dont le Roi semble absent. Retourné près du Père, Il est invisible. C’est le temps de la Foi. Et pourtant, Il a donné ses consignes avant de partir :

Ayant appelé dix serviteurs qu’il avait, il leur donna dix mines et leur dit : faites-les valoir jusqu’à ce que je revienne” (Lc 19, 13).

Le mot de Jésus emprunté à la langue du négoce veut dire : “Faites de bonnes affaires”.

Les talents nous sont offerts. Nous avons l’Espérance du Royaume entre les mains. Mais seuls, ceux qui choisissent le Seigneur pour Roi, sans annexer pour eux-mêmes le pouvoir, seuls ceux qui ne capitalisent pas leurs talents, en les serrant dans le mouchoir de leur vie terrestre, entreront dans le Royaume des Cieux.

Il s’agit toujours de choisir les chemins difficiles de la liberté chrétienne. Ces chemins ne sont ni ceux du pouvoir ni ceux de la richesse, mais ceux du don de soi-même.

Dans l’ordre surnaturel et du Royaume, notre faible activité humaine, appuyée sur l’amour envers ce Roi lointain, et sur la confiance sans faille de son retour, cette activité se voit comblée par la réponse royale :

     “Au lieu de dix mines gagnées, voici dix villes à gouverner”.

Notre train-train quotidien sera transformé en gloire éternelle, si nous avons su rester fidèle au roi lointain, dans la foi :

“Un homme de noble origine s’en alla vers un pays lointain, dans le dessein de recevoir la royauté et de revenir” (Lc 19, 12).

Mais celui qui refusera l’amour dans le quotidien perdra irrémédiablement tout car non seulement la seule récompense valable, la vision de Dieu lui échappera, mais il maudira cette vie terrestre vide et mal employée. La phrase de Jésus, dans sa forme passive, indique la stupeur de celui qui réalise brusquement le vide de sa vie et voit que l’essentiel, par sa faute, lui file entre les doigts.

“Je vous le dis : à quiconque possède, on donnera ; mais à qui n’a rien, on enlèvera même ce qu’il a…”

Je trouve d’ailleurs mal traduite la phrase : “Mais à qui n’a rien, on enlèvera même ce qu’il a”. Dieu apparaît dans le texte français comme un tyran sadique qui se réjouit de ruiner encore davantage le malheureux à qui échappe la Vie Éternelle. Mais le sens est tout autre dans le texte originel de Jésus : le passif “est enlevé” ne s’applique pas à Dieu, mais à celui qui, dans un retour sur lui-même se rend bien compte que “lui est enlevé”, même la consolation du bonheur terrestre qu’il croyait posséder.

En effet, les plaisirs, les biens, le pouvoir, tout cela n’est vraiment rien que du vent face à la Vie Éternelle qui lui échappe de par sa propre faute. Et cela, il ne le voit que trop clairement.

Père Gabriel