Une révolution spirituelle
Pour bien comprendre la portée révolutionnaire des humbles manuscrits de Thérèse, il faut se resituer dans le contexte du XIX siècle finissant ; A cette époque, Dieu est vu comme un Dieu sévère, justicier et la sainteté se gagne à la force du poignet, grâce à l’ascèse et aux mortifications.
Thérèse arrive et son message se résume à trois mots que l’on avait bien oublié : Dieu est Amour !
Je ne vais faire qu’une seule chose : commencer à chanter ce que je dois redire éternellement : les miséricordes du Seigneur ». Et elle ajoute plus loin : « Quelle joie de penser que le Bon Dieu est Juste, c’est-à-dire qu’il tient compte de nos faiblesses, qu’il connait parfaitement la fragilité de notre nature. De quoi donc aurais-je peur ?
Ce message sera reçu avec enthousiasme par ses lecteurs comme en témoigne cette lettre d’un soldat reçue par le Carmel de Lisieux pendant la guerre de 14-18 :
Je me mis à lire la brochure de la petite sainte Carmélite. J’arrivai à ce passage : « Ah ! je le sens bien, quand même j’aurais sur la conscience tous les crimes qui se peuvent commettre, je ne perdrais rien de ma confiance, j’irais, le cœur plein de repentir, me jeter dans les bras de mon Sauveur. » Et je me dis : Mince! Si le bon Dieu est comme ça, il n’est pas méchant tout de même et je n’aurai plus peur de Lui !
Anonyme – 119ème R.I
La mission de Thérèse est donc de tourner les âmes vers ce Dieu d’amour et les inviter à lui porter une confiance absolue.
Lever le pied !
La spiritualité de Thérèse est fondée sur une double vérité :
- Par la Révélation qu’il nous a fait de lui-même, nous connaissons la vie intérieure de Dieu : le Père et le Fils sont unis par l’Esprit d’Amour ; et Dieu brûle de se donner à nous et de nous faire participer à sa joie éternelle.
- Mais avec Thérèse, nous ne pouvons que faire le constat de notre impuissance à monter le « rude escalier de la perfection ». Thérèse avait un grand désir d’être « une grande sainte », très vite ! Très vite aussi, elle réalisa que les mortifications du Carmel de l’époque n’était pas pour elle et qu’elle n’y arriverait pas …
Comment faire ?
Le secret de Thérèse tient en deux mots : Confiance et Pauvreté.
Thérèse voulait être sainte malgré ses difficultés et avec son énorme bon sens elle trouva la solution : au lieu de vouloir passer par en haut, il faut passer par en bas ! et au lieu de décrocher la sainteté à la force du poignet, il faut que nous allions nous blottir dans les bras du bon Dieu avec une confiance absolue en son amour et l’humble conscience de notre pauvreté qui, loin d’être un obstacle, est un atout lorsqu’elle est remise au Seigneur en toute confiance.
Pour nous aider à le comprendre, Thérèse nous propose sa petite parabole de l’escalier :
Voulant absolument atteindre le haut d’un escalier pour retrouver sa maman, [l’enfant] lève son petit pied afin de monter la première marche. Peine inutile ! Il retombe toujours sans pouvoir avancer. Eh bien, soyez ce petit enfant ; par la pratique de toutes les vertus, levez toujours votre petit pied pour gravir l’escalier de la sainteté, et ne vous imaginez pas que vous pourrez monter même la première marche, non !
Mais le Bon Dieu ne demande de vous que la bonne volonté. Du haut de cet escalier, il vous regarde avec amour. Bientôt, vaincu par vos efforts inutiles, il descendra lui-même et, vous prenant dans ses bras, vous emportera pour toujours dans son royaume où vous ne le quitterez plus. “
Et poursuit … avec un ascenseur !
Je veux chercher le moyen d’aller au Ciel par une voie bien droite, bien courte, une voie nouvelle. Nous sommes dans un siècle d’inventions, maintenant, ce n’est plus la peine de gravir les marches d’un escalier, chez les riches un ascenseur le remplace.
Moi, je voudrais trouver un ascenseur pour m’élever jusqu’à Jésus, car je suis trop petite pour monter l’escalier de la perfection. Alors, j’ai cherché dans les livres saints et j’ai lu ces mots : “Si quelqu’un est tout petit, qu’il vienne à moi ……” “Comme une mère caresse son enfant, ainsi, je vous consolerai,” Je vous porterai sur mon sein et je vous balancerai sur mes genoux !”
Ah, jamais paroles plus tendres, plus mélodieuses ne sont venues réjouir mon âme ; L’ascenseur qui doit m’élever jusqu’au ciel, ceux sont vos bras, Jésus ! Pour cela je n’ai pas besoin de grandir, au contraire, il faut que je reste petite, que je le devienne de plus en plus ».
Ce qui fera dire au Bienheureux Père Marie Eugène de l’Enfant Jésus :
« L’enseignement Thérésien, en nous découvrant la vérité sur les désirs de Dieu, sur son action prépondérante dans notre marche vers lui, libère les grands désirs, les légitime, ouvre tout grand les horizons de la perfection chrétienne et nous fait un devoir de les considérer comme accessibles, comme nôtres, quelque soit notre faiblesse puisque pour y tendre efficacement et sans présomption, il suffit de reconnaitre son impuissance et s’abandonner comme un enfant dans les bras du Bon Dieu”.
Cependant, loin d’être un chemin tranquille qui sent la noisette, la petite voie est exigeante et suppose de notre part une grande détermination et une coopération à l’action de la grâce.
C’est le bon Dieu qui nous soulève, ce n’est pas nous qui montons, mais avant que l’ascenseur ne vienne, Thérèse lève son petit pied . (Père Marie Eugène de l’Enfant Jésus)
Pour y parvenir, le plus simple est encore de prendre Thérèse comme guide et de se mettre à son école.